(English version)
Duchesne, Delmotte, Throssell & Pinsolle (2025). Enquête sur la transmission précoce des appartenances au sein de la famille (ETPAF, 2020-2025): Rapport final
À l’image du « mal » pour Hannah Arendt, le nationalisme est souvent « banal » et, selon le psychologue social Michael Billig, c’est ce qui fait du nationalisme une idéologie internationale au succès inégalé depuis plus de deux siècles. Le nationalisme, en effet, est le plus souvent « invisible », dénié, travesti en patriotisme, en amour des siens, soigneusement distingué de la haine des autres. Mais comment tel nationalisme vient-il à nous, ou comment allons-nous vers lui? Comment expliquer sa vitalité et sa longévité? Et peut-on encore parler de nationalisme banal à l’heure où les nationalismes extrêmes les plus désinhibés s’affichent et sont aux portes du pouvoir un peu partout dans nos démocraties? Pour explorer ces questions, le projet ETPAF (pour Enquête sur la transmission précoce des appartenances au sein de la famille, 2020-2025) a rencontré longuement trente familles de la région de Bordeaux, choisies pour leur diversité, comprenant toutes un enfant âge de 5 à 6 ans – soit juste avant l’acquisition de la lecture et la socialisation politique par l’école. L’objectif est de comprendre comment, dans chaque cas, les parents conçoivent la nation, leur nation, et la division du monde en nations et comment ils transmettent éventuellement cette conception à leur(s) enfant(s), notamment à travers la consommation de certains produits culturels, films, dessins animés, livres, séries. Après plus de 4 ans d’enquête, l’analyse des entretiens n’est pas terminée mais les chercheuses qui ont mené ce projet font retour sur leurs premiers résultats. Quels modèles de nationalisme se dessinent dans le cas des familles dont les entretiens ont déjà été analysés? Comment aborder la question de la singularité relative du nationalisme en France? Comment construire un cadre théorique fondé sur la mise en dialogue et la complémentarité de deux auteurs (en l’occurrence Billig et Elias)? Mais aussi: Comment un projet de recherche survit-il aux aléas de la recherche collective?
English version
This collective study on young children’s socialization to nationalism study follows Michael Billig’s thesis on banal nationalism and is also inspired by Norbert Elias’s historical sociology on the long-lasting of national habitus. Billig argued in the mid-1990s that the so-called “hot” nationalisms, vested as such by the ones who enliven them, are made of no different ingredients than a less hectic and often less conscious form of nationalism which Billig qualifies as “banal”. “Patriotism” to others, banal nationalism is the “international ideology” which normalizes the idea that the world should be divided into nations, and that all individuals should have one for them to cherish and defend. Several works have shown after his how we are indeed constantly exposed, in our adult lives, to reminders that nationalism is our natural and unique political horizon. This study investigates how this unquestioned nationalism is early transmitted to young children at home through a qualitative inquiry lead in the region of Bordeaux, France, with 30 families comprising at least one 5 or 6 years-old child. Interviews use mainly projective interview techniques, in order to grasp how parents transmit to their children belonging-related landmarks